Si l’on plongeait subitement une grenouille dans de l’eau chaude, elle s’échapperait d’un bond. Alors que si on la plongeait dans l’eau froide et que l’on portait très progressivement l’eau à ébullition, la grenouille s’engourdirait ou s’habituerait à la température et finirait ébouillantée. Et si on appliquait cette métaphore à toute une société en se demandant si les normes sociales en occident rendraient les individus de plus en plus vulnérables sans qu'ils en aient conscience.
A partir du 18ème siècle, la société est confrontée à l’émergence de nouvelles technologies, c'est la société du progrès. Par exemple, on retrouve la machine à vapeur de Watt ou l’encyclopédie qui permet la diffusion de ces nouvelles techniques. Pendant ce siècle, les sociétés font profondément changer. Avec ces progrès naissent les premières industries et le niveau de vie progresse dans tout l’Europe. Je ne vais pas vous faire un cours d'histoire des sociétés, mais c'est très intéressant et ça permet de comprendre celle dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
En 2022, nous sommes dans une société dites d'hyperconsommation. L’idée d'une société de consommation sonne maintenant comme une évidence, elle apparaît comme l’une des représentations les plus emblématiques de la vie quotidienne dans les sociétés contemporaine. Quant à l’expression de « société d’hyperconsommation », celle-ci apparaît pour la première fois dans les années 1920. Elle se popularise dans les années 1950-1960. Ce sont des expressions populaires qui désignent notre société. Cependant, on en retrouve d'autres, dont une qui m'intéresse particulièrement c'est l'expression "société du risque" utilisé par le sociologue Ulrich Beck. Une société où la vie, à travers le biopolitique a pris-le devant de tout l’espace médiatique, ou chaque vie est monnayable. On l'a vu notamment à travers le scandale des pizzas surgelées où la société Buttoni aurait proposé 20euros de bon d'achat aux familles des victimes. Pour Foucault, qu’importe la qualité de la vie, le plus important c’est d’être en vie (la gestion de la crise du covid en est un très bon exemple).
Ce que je souhaite questionne aujourd'hui c'est cette "sécurité". Est-ce qu'elle existe et si oui comment ? Et voir si elle nous rend plus forts ou plus vulnérables ?
La sécurité à travers les normes sociales
Le risque n'existe pas.
Théorie culturelle du risque.
Mary Douglas et ses collègues ont développé la théorie culturelle du risque au début des années 1980. La théorie culturelle considère la perception du risque comme un processus social par lequel certains risques sont reconnus tandis que d'autres sont supprimés en fonction des valeurs et de la forme d'ordre social préférée (c'est-à-dire la vision du monde). Comme l'expliquent Wildasky et Dake (1990), « les individus choisissent ce qu'ils doivent craindre (et à quel point ils doivent le craindre) afin de soutenir leur mode de vie ». Selon Mary Douglas, le risque est une construction sociale où les individus évaluent les mêmes dangers mais en viennent à des opinions différentes sur le risque en fonction de préjugés culturels sous-jacents associés à leur mode de vie. Boire de l'alcool n'a pas le même impact en fonction de notre genre, âge, ou appartenance sociale. Mary Douglas note qu'un « risque acceptable » (c'est-à-dire un risque socialement souhaitable notions de sécurité) est toujours une question politique et jamais une probabilité. On retrouve une liste non exhaustive de "risques acceptables", comme conduire vite, sauter en parachute, faire l'armée. De plus, cette prise de risque donne aux individus un statut, celui d’une personne cool et courageuse.
Sommes-nous pousser à devenir égoïste ?
En France, nous avons une politique qui se veut "hiérarchique", mais avec la politique actuelle, on tend de plus en plus vers le modèle américain soit individualiste. Ce modèle individualiste c'est ce goal de l'entrepreneur qui se fait tout seul, où l’individualité est de plus en plus priorisé. Une société où la réussite sociale se calcule en fonction de son élévation sociale et de son compte en banque. Conditionné.e.s à avoir peur de l’autre, à le juger, le mettre de côté pour ne prendre aucun risque, tout en ignorant ceux que nous prenons au quotidien qui sont, souvent, bien plus grands. On préfère pointer l'autre du doigt et exclure ceux qui ne suivent pas les règles (cf covid, personnes grosses et ainsi de suite), les avis dissidents, les croyances diverses.Cette société du « toujours plus », où le biocapitalisme* a remplacé la standardisation de l’objet par celle de l’individu (Chirurgie et normes de beautés dangereuses). Mais il est toujours plus simple de prendre un risque valorisé socialement (qu'importe le danger), plutôt que de prendre le risque d’être exclu de celle-ci.
La notion de prise de risque est omniprésente dans notre société, ce paradoxe où nous avons peur de tout et de l'autre mais où nous sommes "obligé.e.s" de prendre des risques pour ne pas être mis à l'écart. Ainsi, on pourrait dire que l’individu n’existe qu’à travers une masse, où de plus en plus de phobies sociales émergent, celles-ci favoriseraient d’après Le Breton, à la manipulation de la société.
La société capitaliste, à travers la science et les normes induites, peut continuer de se positionner en tant que sauveur de l’individu, tout en continuant de capitaliser sur la masse. Ainsi, la domestication individuelle, à travers les normes, nous rend plus dociles et plus conciliants, ne voyant pas que l’eau est en train de bouillir, nous perdons peu à peu notre liberté et notre démocratie. Cependant comme le rappelle Beck ou encore Foucault, le pouvoir vient de l’intérieur et il est important de se révolter, de faire appel à une « sous politique », de remettre en question le pouvoir, la science, déconstruire toutes ces normes pour pouvoir ainsi, espérer pour les futures générations, sortir de la marmite. Mais pour ça, il faudrait être des grenouilles, peut-être que nous sommes simplement des serpents...
Pour aller plus loin et sources :
Articles :
- Perception of risk - Slovic 1987
- Cultural theory and risk - Tansey et O'Riordan 1999
- Pourquoi tu vas aussi mal ? (le néolibéralisme)
- Ulrich Beck et la société du risque
- Les formes contemporaines de la biopolitique
Livre :
- Les besoins artificiels - Razmig Keucheyan - 2019*
- Le bonheur paradoxal - Gilles Lipovetsky - 2009
- La Naissance de la biopolitique - Michel Foucault
2 Commentaires
tu sautes d'idée en idée sans faire le lien, c'est dommage pcq c'est incompréhensible du coup :(
RépondreSupprimerJ’adore les réf à la socio du risque! Très bon article
RépondreSupprimerLove u !